Mardi 21 février s’est tenue la présentation du rapport sur la situation des personnes appartenant à la communauté homosexuelle ou plus spécifiquement LGBTQI. Grande première dans l’histoire du pays, ce rapport va être présenté au comité des droits de l’homme des Nations Unies pour un examen périodique universel. Au delà du grand pas que cela représente en terme de crédibilité, il s’agit aussi d’un réel espoir de voir les revendications de cette communauté être entendues et respectées au niveau institutionnel du pays.
Rédigé par par la coalition tunisienne des droits des personnes LGBTQI composée des associations DAMJ, CHOUF, MAWJOUDINE et du collectif KELMTY et l’association CHAMS, ce rapport et d’ailleurs soutenu par “Euromed Rights” et la Fondation “Heinrich Böll”. Une représentation artistique a ensuite clôturé l’événement.
Le rapport, très détaillé, s’articule autour de 4 axes: Cadre Juridique, Discriminations et Violences envers les personnes LGBTQI, droits économiques et sociaux et accès aux services ainsi que la liberté d’association.
La partie introductive du rapport met en avant le fait que les libertés collectives ont progressé depuis la révolution, mais qu’à l’inverse, de nettes atteintes aux libertés individuelles ont continué d’être constatées sur cette période. Il ne manque pas de rappeler à la Tunisie l’inconstitutionnalité de nombreux articles du code pénal. L’article 230 de celui-ci est notamment pointé. Il stipule que “la sodomie… est punie de 3 ans d’emprisonnement”; Dans sa version arabe, qui prévaut sur sa version française, il condamne explicitement l’homosexualité. Il s’appuie donc sur une discrimination basée sur l’orientation sexuel, en totale contradiction avec l’article 21 de la constitution qui affirme que “les citoyens et les citoyennes sont égaux en droits et devoirs. Ils sont égaux devant la loi sans discrimination”. Le rapport se penche ensuite sur la pratique du test anal pour prouver l’homosexualité. Acte considéré comme dégradant et assimilé à un acte de torture.
La première partie du rapport concernant le cadre juridique dresse notamment un tableau de tous les articles servant d’arme pour criminaliser une population ou individu donné. Il s’agit notamment des articles 226 bis relatif à l’atteinte aux bonnes mœurs, l’article 228 relatif à l’attentat à la pudeur et l’article 231 relatif au racolage et prostitution. Les premières victimes de ces articles sont bien sûr la communauté LGBTQI et les couples émancipés non mariés. Les recommandations du rapport portent donc sur le besoin urgent d’harmonisation des lois avec la constitution. Il est également demandé que personnes transsexuelles et transgenres puissent être reconnues dans les documents officiels relatifs à l’identité (Carte d’Identité Nationale, Passeport, extrait de naissance …).
La deuxième partie du rapport relate les différentes discriminations et violences auxquelles font face les personnes appartenant à la communauté LGBTQI. On parle par exemple de contrôles de police abusifs, de termes dégradants, y compris dans le paysage audio-visuel, de banalisation du discours de haine. Les violences se retrouvent également en prison où les homosexuels font souvent l’objet d’une ségrégation et sont placés dans un pavillon séparé où ils subissent toutes formes de mauvais traitement.
La troisième partie du rapport portant sur les droits économiques et sociaux, ainsi que sur l’accès aux services. Encore une fois, d’importantes différences ont été constatées dans l’accès aux soins. Ces discriminations entraîne parmi la communauté une tendance à l’auto-médication, exposant d’avantage aux risques les individus concernés. De nombreuses associations ont également déploré de régulières discriminations à l’embauche et l’absence de programme scolaire pour le respect des droits humains.
Concernant la liberté d’association, bien que pilier des aspirations démocratiques post-révolutionnaires, on constate encore certaines lacunes pour les défenseurs des minorités sexuelles. Plusieurs points sont notables tels que les lenteurs des publication au JORT (journal officiel de la république tunisienne, étape obligatoire pour la création d’une association), les régulières attaques en justice, les peines de suspension d’activité et les campagnes de discrimination.
Malgré ces nombreux défis, la communauté LGBT continue la lutte et ne perd pas espoir dans le pays. Elle reste soudée et tente de faire entendre sa voix à l’international. Cette démarche commence à porter ses fruits, en témoigne le très prochain examen de ce rapport par le conseil des droits de l’homme des Nations Unies en mai 2017.
La cause portée par la communauté LGBTQI concerne non-seulement cette communauté, mais aussi toutes les personnes subissant une atteinte à leurs libertés en Tunisie.
Consultez ici le rapport.
Organismes concernés
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