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Rapport Jamaity Meetings n°1 (Les Financements Publics pour les Associations)


Publié le 29-10-2015. Ajoutée le 11 novembre 2015


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Les Financements Publics pour les Associations

 

Introduction :

Ce Mardi 27 octobre 2015 s’est tenue la première édition des Jamaity meetings. Jamaity Meetings est une série de rencontres mensuelles qui vise à rassembler les associations et les partenaires techniques et financiers dans un espace commun propice aux échanges d’idées, au partage d’expériences et au débat.
La thématique de cette édition portait sur les Financements Publics des Associations en Tunisie. Elle a regroupé les représentants des associations et les organismes suivants :

Centre Moussenda, Association BorjCedriaAlghad, AEEV, Taabir, FTDC, AiesecUniversity, CDGL, Azimoun, Sites et Monuments du Cap Bon, ATUPEE, Lab’ess, WeGov, Dignity, RESO, Mediterravenir, AswatNissa, LTC Tunis, II Debate, PCPA, ATAV, ARPI, Paradis Vie, TunisiaCharity.

 

Interventions:

  1. Centre El Kawakibi pour la Transition Démocratique

Pour entamer les discussions, le Centre El Kawakibi pour la Transition Démocratique représenté par GHALI Amine a expliqué les pratiques existantes en termes de transferts de fonds publics à l’égard des associations. L’important est donc de créer de nouvelles dynamiques entre les municipalités et les associations, ainsi que de nouveaux mécanismes de transparence.

Suite aux discussions sur la transparence des associations et les financements étrangers, entre des acteurs de la société civile et les représentants de l’état, il a été recommandé que le gouvernement soit en charge de mettre au clair les financements publics et d’en expliquer les mécanismes. Du fait de l’absence d’information, le Centre Kawakibi pour la Transition Démocratique propose une méthodologie de travail pour réglementer le financement public pour les associations et de mettre en œuvre des mécanismes uniformes au niveau de toutes les institutions de l’état.

On distingue plusieurs catégories de financements publics :

  • Le Financement Direct. Il constitue une subvention directe de la part des ministères, délégations régionales, les municipalités et les sociétés étatiques (Tunisie Telecom, Tunisair, CPG.)
  • Le Financement Indirect. Il se fait par l’intermédiaire de partenariat entre les organisations de la société civile et les établissements étatiques (Ministères et Municipalités)
  • Les Appels d’Offre, lancés par les Municipalités et les Ministères pour des thématiques bien précises

Les critères d’éligibilité

pour recevoir des fonds publics ont ensuite été décrits. Pour se faire, l’association doit :

  • Être régulièrement constituée conformément au décret – loi n° 2011 – 88 du 24 septembre 2011portant organisation des associations
  • Exercer une activité d’intérêt général, cela signifie qu’elle ne peut exercer des activités à but Lucratif ;
  • Éviter, dans ses statuts ou communiqués ou programmes ou activités, toute incitation à la violence, la haine, l’intolérance et la discrimination fondée sur la religion, le sexe ou la région. Les Ligues de Protection de la Révolution, qui ont été dissoutes judiciairement, en sont la meilleure preuve.

Une lecture du décret n°2013 – 5183 du 18 novembre 2013, fixant les critères, les procédures et les conditions d’octroi du financement public pour les associations, nous permet de distinguer entre,d’une part, les procédures générales et, d’autre part, les procédures spécifiques, c’est-à-dire celles en rapport avec chaque mode de financement public.

Les procédures générales :

L’association désirant l’obtention du financement public, est tenue de présenter une demande. Cette dernière doit être accompagnée des documents suivants conformément à l’article 7 du décret n°2013– 5183 du 18 novembre 2013 :

  • Le statut de l’association, une copie de l’annonce de sa constitution légale, la liste de ses dirigeants et les documents prouvant leurs qualifications,
  • La liste de ses filiales et bureaux régionaux s’ils existent et les noms de ses dirigeants,
  • Le rapport visé du ou des commissaires aux comptes pour l’année précédant la date de présentation de la demande concernant les associations dont les ressources annuelles dépassent cent mille (100.000) dinars
  • Une copie du dernier rapport transmis à la cour des comptes concernant les associations bénéficiantd’un financement public antérieur en application des dispositions de l’article 44 du Décret-loi n°2011-88 susvisé,
  • Le dernier rapport moral et financier approuvé par l’assemblée générale,
  • Une copie du registre des activités et des projets et du registre des aides, dons et donations prévues par l’article 40 du décret-loi n° 2011-88 susvisé,
  • Une copie du dernier procès-verbal de l’assemblée élective des organes de direction de l’association
  • Les documents prouvant la régularité de la situation de l’association à l’égard de l’administrationfiscale et des caisses sociales
  • Les documents prouvant l’observation par l’association des dispositions de l’article 41 du décret-loisur le financement public des associations en Tunisie
  • Respecter dans sa constitution (…) les dispositions du décret – loi n° 2011 – 88 du 24 septembre 2011 portant organisation des associations (…) ».

En cas de non-conformité à ces procédures, tout versement de fonds publics à une association, de fait, est considéré illégal. Pour cela, l’administration publique doit s’assurer de la légalité de la constitution de l’association (c’est-à-dire sa création conformément à la loi) qu’elle souhaite financer.

Source : étude sur le financement public des associations élaboré par le centre Kawakibi pour la transition démocratique.

Le décret-loi 5183/2013 qui réglemente le financement public présente en lui-même un handicap pour les associations et l’Etat, ce qui nécessite l’amélioration de textes pour répondre aux besoins et attentes de la société civile tunisienne et faciliter les procédures d’accès au financement.
En 2014, le poste de secrétariat d’état chargé des relations avec la Société Civile et les Hautes Instances Constitutionnelle a été mis en place, avec pour mandat, entre autres, la réforme du décret 5183 de manière participative et en consultant toutes les composantes de la société civile.

Beaucoup d’idées sont actuellement discutées au sein de ce ministère en faveur de la transparence et de la création d’une base de données nationale en ligne des associations.

Ces consultations devaient également être élargies à tous les organismes étatiques concernés par le financement public.

 

  1. L’association Relais pour l’Emergence d’une Jeunesse Sociale Organisée (RESO)

 

L’association Relais pour l’Emergence d’une Jeunesse Sociale Organisée (RESO) a ensuite pris la parole et a présenté le projet Kolna Baladia.

Quels sont les objectifs de ce projet ?

  • La mise en place d’une plateforme de transparence.
  • La création de nouvelles habitudes de collaboration entre les associations et les municipalités.
  • L’instauration de nouveaux mécanismes de transparence.
  • Rapprocher les jeunes des municipalités.
  • Uniformisation des procédures administratives et financières.
  • La mise en place d’un calendrier de travail en commun entre les 6 municipalités.

Les partenaires du projet sont la Giz et la Fédération Nationale des villes Tunisiennes. Six municipalités y ont été associées : Kef- Jendouba- Menzel Bourguiba- Sousse- Monastir

Chaque municipalité s’est engagée à mettre à la disposition des associations un montant de 10.000 DT.

Suite à un atelier de citoyenneté, les associations s’inspirent de problématiques de la commune pour les transformer en idées de projets. RESO fait ensuite l’accompagnement des projets

Conditions d’acceptation des projets :

  • Il faut que le projet soit à destination des citoyens.
  • Les porteurs de projets doivent être des associations de jeunes ou un collectif d’association de la commune.

L’appel à candidature s’étale sur 20 jours à l’exception de quelques municipalités qui l’ont étendu à 30.

Une grille de sélection a été mise en place, les associations connaissent à l’avance les critères d’éligibilité.

Un site web dédié à l’affichage de la délibération des résultats a été mis en place. RESO ne supervise pas le processus mais forme les associations pour la mise en place du plan d’action et la budgétisation de leurs initiatives. La durée d’exécution des projets est de 2 mois. La municipalité assure le suivi et le contrôle au niveau de l’exécution des projets. Des conventions entre les associations lauréates et les communes sont ensuite signées

Le calendrier du projet se décline comme suit :

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Source : présentation du projet “KolnaBaladia” élaboré par RESO

 

 

Débat : Acquis et lacunes

Le débat qui a suivi les présentations a été caractérisé par le listage d’un nombre important de points à améliorer concernant l’obtention et les méthodes d’attribution des fonds publics.

  • Le problème est qu’il faut considérer le financement public dans sa totalité et y inclure les entreprises étatiques et semi-étatiques qui n’ont pas des procédures d’attribution de financements claires ni un processus de suivi de ces financements.
  • Il est également nécessaire de tenir compte des financements internationaux des organismes étatiques par les biais desquels l’état donne les financements aux associations.
  • Le décret qui régit le financement public impose aux associations 13 critères pour accéder à ce type de financement sauf qu’il y a des dépassements.
  • Les bureaux de contrôle n’ont pas l’information et ne peuvent pas, par conséquence, orienter et aider les associations à avoir les documents nécessaires pour accéder au financement public.
  • Le ministère doit mettre à disposition des associations, des formulaires pré-remplis, ou des modèles pour uniformiser les demandes de financement.
  • Un des critères d’éligibilité est le PV deconstatationqui atteste l’existence de l’association ce qui est très contradictoire vu que l’association ne peut postuler que si elle possède un numéro de JORT.
  • La matricule fiscal pose également problème aux associations, car on constate que la majorité d’entre elles ne connaissent pas les démarches à effectuer pour l’obtenir.
  • L’information est centralisée au niveau du ministère des finances.
  • Le décret ne spécifie pas que les organismes étatiques sont dans le devoir de communiquer l’information sur les financements octroyés.
  • Les institutions publiques n’ont pas de site web pour afficher les montants disponibles pour les associations et affichent uniquement en format papier ce qui privilégie quelques associations et pas d’autres.
  • Nécessité de former le personnel de l’administration public pour gérer les dossiers des associations et faire le suivi par la suite
  • Manque de moyens humains au niveau des institutions publiques
  • Nécessité de faire la distinction entre les petits et les grands projets au niveau du traitement des demandes et du suivi
  • Le problème est qu’une majorité des associations constate un décalage entre l’argent reçu et l’argent réel. Un appui d’un montant de 500DT annuel est réduit à 200 après paiement de l’impôt, mais l’association doit justifier l’utilisation des 500 DT
  • Le personnel des municipalités perçoit le travail avec les associations comme tâches supplémentaires étant donné que ça ne rentre pas dans leurs prérogatives
  • Nécessité de designer des vis à vis au niveau des communes
  • Le problème est que le gouvernement attribue le financement public non pas pour l’intérêt commun mais pour promouvoir son image. Il y a un ressenti que les associations sont une extension du gouvernement. D’ailleurs la plupart des financements publics sont alloués à la sous-traitance de services par les associations.
  • Le problème également réside dans les indicateurs de projets qui privilégient les associations qui œuvrent dans le sens du “service” public (exemple nettoyage de la ville) et non celles qui, par exemple, travaillent sur la gouvernance et la citoyenneté de manière générale. De ce constat se dégage la nécessité de revoir les indicateurs, de créer un équilibre et une distinction au niveau de la budgétisation du financement public entre les “services” et les actions citoyennes
  • La question qui doit se poser est :est-ce que le gouvernement est prêt à financier des associations pour faire le suivi et le contrôle de ses actions / Est ce qu’il y a une loi qui oblige le gouvernement à soutenir la société civile ou cela reste optionnel ?
  • Une majorité des financements sont accordées aux amicales et aux associations sportives.
  • Une opacité a été notée par rapport au choix des associations à financier et aux procédures. Le manque de transparence est une problématique importante
  • La responsabilité reste commune entre l’état et les associations, en effet même les associations doivent se conformer à la loi et régulariser leur situation.
  • Le décret-loi 88-2011 permet une évolution quantitative et non qualitative de la société civile
  • Au niveau des critères du financement public, les critères d’éligibilité de l’association sont clairs mais pas de critères d’éligibilité des projets, ce qui rend le choix et l’attribution des financements très subjectifs.
  • Le décret n° 2013-5183 portant sur le financement public des associations touche à l’égalité entre les associations étant donné que les critères privilégient les associations “légendaires” (celles possédant une grande influence et qui sont déjà bien ancrées)
  • Le décret n° 2013-5183 ne fait pas la distinction entre associations et organisations nationales
  • La mise en réseau d’association autour d’un projet facilite l’attribution des financements publics mais reste le problème de suivi de ces financements.
  • L’origine du problème réside dans la nature des relations entre les associations et les institutions publiques qui se caractérisent par un manque de confiance mutuel et une perception négatives. Ces même institutions se sont retrouvées du jour au lendemain face à flux important d’associations et ne savent pas, par conséquent, comment travailler ensemble. Même les associations n’ont pas la culture de la collaboration avec l’état ce qui crée des conflits entre les parties prenantes.
  • Les associations ont déjà un rôle consultatif au niveau des conseils municipaux.

 

Recommandations :

  • Uniformisation des critères d’éligibilité dans les institutions publiques.
  • Centralisation de l’information et s’assurer que les tous les acteurs concernés par le financement public que ce soit les associations ou encore les acteurs étatiques aient accès à toutes les informations.
  • Coordination au niveau du transfert d’information notamment avec la direction générale des associations et des partis politiques pour vérifier le statut de l’association.
  • Instaurer une graduation au niveau des conditions ce qui va engendrer une graduation au niveau des financements.
  • Publier de manière officielle et systématique les activités et les budgets de chaque ministère et régions, ainsi que les cibles des financements, pour être sûr d’avoir une totale transparence.
  • Proposition de créer un fond commun (centraliser tous les financements à disposition de la société civile).
  • Mettre en place des critères d’éligibilité pour les projets et les publier pour augmenter la transparence et limiter la subjectivité.
  • Mettre à disposition des associations des formulaires préétablies ou des modèles pour uniformiser leurs demandes.




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