Apparition médiatique publiée au format Youtube
Un ancien directeur de France Culture nommé ambassadeur en Tunisie, le berceau du « printemps arabe », confronté au défi terroriste. C’est la principale surprise du grand mouvement d’ambassadeurs – 54 en une fois, un nombre sans précédent, dont 40 % de femmes en première nomination – décidé fin juin en conseil des ministres. Il suscite nombre de commentaires dans la haute administration ainsi que dans les pays concernés.
En premier lieu à Tunis, où va s’installer début septembre – sous réserve d’un agrément des autorités locales, qui ne fait cependant guère de doute – Olivier Poivre d’Arvor, 58 ans, écrivain, homme de théâtre et brillant représentant d’une diplomatie culturelle où il fit une bonne partie de sa carrière.
Nul ne conteste les capacités d’organisateur et le dynamisme de celui qui fut notamment directeur du centre culturel d’Alexandrie (1988-1990), puis de Prague (1990-1994) et de Londres (1994-1999) avant de diriger l’Association française d’action artistique dépendant à la fois du Quai d’Orsay et du ministère de la culture. Laurent Fabius l’avait même nommé ministre plénipotentiaire et ambassadeur chargé de l’attractivité culturelle de la France après son départ de la direction de France Culture – un limogeage, avait-il affirmé à l’époque –, qu’il a dirigé de 2010 à 2015.
Mais d’aucuns s’interrogent néanmoins sur la pertinence du choix d’un diplomate sans expérience politique, économique et sécuritaire dans un pays frappé plusieurs fois par de spectaculaires attentats djihadistes, limitrophe d’une Libye dans le chaos et d’une Algérie à haut risque. Au prorata de sa population, la Tunisie est le principal fournisseur de volontaires étrangers pour l’organisation Etat islamique. Les autorités tunisiennes auraient, dit-on, préféré un diplomate mieux rodé alors même que, cinq ans après la révolution, la démocratie reste fragile, menacée par les tensions politiques et sociales sur fond de misère et de chômage chronique, notamment dans le sud du pays.
« Fait du prince »
Quelques grincements de dents se sont aussi fait entendre à Paris, au sein même du ministère des affaires étrangères, alors même que le nombre de postes d’ambassadeur est nettement inférieur à celui des diplomates qui pourraient y prétendre par leur âge et leur carrière. On argue ainsi d’un « fait du prince » pour recaser un intellectuel de gauche dont le nom avait déjà été cité ces dernières années pour les présidences d’Arte, de Radio France, de TV5 Monde, ou la direction de la Villa Médicis à Rome.
« Une ambassade, ce n’est pas un homme mais une équipe, et les diplomates qui vont travailler à ses côtés sont parfaitement rodés », rétorque une source diplomatique haut placée, soulignant que « la nomination d’une personnalité avec une telle surface montre l’importance que l’on accorde à la Tunisie ». C’est en effet le pays du monde arabo-musulman où la France a le plus de moyens d’agir, notamment en raison de la présence sur son sol de 700 000 personnes originaires de Tunisie et du poids d’élites francophones dans l’intelligentsia comme dans le monde de l’économie.
« Il s’agit d’accompagner le pays dans sa transition démocratique et dans cette dynamique le lien avec la société civile est au moins aussi important que celui avec la classe politique », explique au Monde Olivier Poivre d’Arvor. Nul n’a oublié les maladresses passées, dont la nomination, juste après la révolution, de Boris Boillon, un protégé de Nicolas Sarkozy arrivé de Bagdad et dont l’absence de tact fit des ravages à Tunis. « Olivier Poivre d’Arvor, qui écoute et qui surtout connaît bien le pays, n’arrive pas avec des certitudes arrêtées », renchérit Yves Aubin de la Messuzière, ancien responsable Afrique du Nord – Moyen-Orient au Quai d’Orsay et ancien ambassadeur à Tunis, qui eut souvent l’occasion de l’accueillir…
Le départ de l’ambassadeur sortant à Tunis, François Gouyette, a précipité le mouvement. Parfait arabisant, ancien ambassadeur aux Emirats et en Libye, ce diplomate de renom a été envoyé en Arabie saoudite pour remplacer au pied levé Bertrand Besancenot, rappelé à Paris après une longévité record à un poste – neuf ans.
A un an de la retraite, ce dernier aurait souhaité rester sur place, mais sa proximité avec le défunt roi Abdallah a été vue comme un handicap vis-à-vis du nouveau roi Salman et de son fils, le vice-prince héritier, Mohammed ben Salman, véritable homme fort du pays. « Il y a un changement à Riyad et nous devons aussi donner le signal du changement », explique-t-on de source diplomatique, d’autant que Paris peine à concrétiser ses contrats, notamment en matière d’armement.
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