Cadre
La présente étude s’inscrit dans le cadre de la mise en oeuvre du plan d’action 2015 du programme conjoint en santé maternelle et néonatale (SMNN).
Préambule
La femme Tunisienne a rejoint le monde du travail depuis bien longtemps dans tous les corps de métiers généralement possibles et dans différents secteurs d’activité. On note même de la féminisation de certains secteurs comme le textile / confection ou bien le milieu de soins. Selon des statistiques officielles réalisées depuis 2000 jusqu’à 2013, 25,3% de la population tunisienne active sont des femmes(INS). La protection de la femme au travail est instaurée d’ores et déjà par plusieurs outils réglementaires (code du travail (art. 20, 64..)/ arrêté MAS manutention/ travail de nuit/ protection de la maternité etc.)
Il demeure toutefois des mesures à prendre afin de protéger la période périnatale, en particulier prénatale et la période de l’allaitement afin de garantir les objectifs en santé et bien-être de la mère et de l’enfant. Néanmoins, le travail de la femme reste toujours empreint d’ambigüité sur le plan de la sécurité et de la santé, compte tenu des risques doublement perçus du fait de sa fonction de génitrice.
Problématique
Actuellement le milieu de travail et particulièrement le milieu industriel impose au travailleur ainsi qu’à l’employeur des exigences de productivité, de concurrence, de délais d’exportation et de l’adoption de nouveaux procédés de travail et nouveaux produits. La femme active occupée face à ces impératifs ne bénéficie pas de beaucoup de latitude, d’autant plus si elle travaille sous flux tendu, de contrôle et des conditions de vie moyenne (moyen de transport, trajet domicile /travail…)
On constate les faits suivants :
- La répartition sexuée des emplois
- Les conditions d’emploi et de temps de travail (horaires de travail atypiques ou partiels, précarité cumul des activités professionnelles et des charges familiales
- L’invisibilité des pénibilités, des risques et des violences
On distingue quatre sortes de profils d’emplois :
- Des emplois à horaire atypique
- Des emplois à forte charge mentale ou émotionnellement exigeants
- Des emplois répétitifs et pénibles
- Des emplois sans perspective d’évolution professionnelle
Par ailleurs, les femmes enceintes sont exposées à un certain nombre de risques professionnels : produits chimiques, agents biologiques, stress, rayonnements, travail physique intense, contraintes organisationnelles, qui sont susceptibles d’entrainer des effets néfastes sur l’enfant à naitre ou le déroulement de la grossesse. L’acuité de ces facteurs est d’autant plus ressentie s’il existe des éléments de vulnérabilité et de précarité des conditions de recrutement, du salaire et type de rémunération , du contrat, de couverture sociale et des horaires de travail.
La femme envisageant un projet de grossesse dans cette situation se trouve face à des contraintes organisationnelles, financières et sociales ayant un retentissement inévitable sur sa grossesse :
- Des horaires de travail atypiques
- Une sous rémunération
- Une absence de couverture sociale rendant difficile l’accès aux soins médicaux, à fortiori s’il s’agit du suivi de la grossesse et de l’accouchement
- Le chômage du conjoint
- L’insuffisance de la réglementation régissant la période de la grossesse et de la maternité (exemple les visites obligatoires de la grossesse inscrites dans le programme national de la SMNN ne sont pas payées par les caisses de sécurité sociale, l’absence de congé pré natal légal, l’insuffisance du congé post natal dans le secteur privé, etc.)
- Une méconnaissance de la femme :
o De ses droits régis dans le code du travail en général et spécifiquement sur la protection de sa santé et de la maternité,
o des risques professionnels encourus,
o du suivi de sa grossesse,
o du rôle des intervenants : médecin du travail, médecin gynécologue, sage-femme et pédiatre dans le suivi et le conseil
- Des difficultés d’accès aux services des soins (horaire de travail, centre de soins éloigné du domicile, manque de ressources matérielles pour payer les honoraires)
- Les besoins de la femme en matière de prise en charge de la grossesse qui ne sont pas satisfaits, les congés pour consultation dans les 1er, 2ème et 3 ème trimestre ne sont pas accordés par l’employeur par exemple par nécessité de travail
- Une forme de violence peut être retrouvée envers les femmes enceintes et certaines même par sentiment de culpabilité dissimulent leur grossesse le plus longtemps possible pour garder leur poste ou certains avantages pécuniaires au détriment de leur santé (travailler debout ou exposée à la chaleur, etc..), elles sacrifient ainsi l’avantage de consulter pour la grossesse de peur de perdre le payement d’une journée de travail
Les Facteurs de vulnérabilité
Si l’on considère les conditions qui entourent le contrat de travail qui sont empreintes le plus souvent de précarité, du besoin financier pressant de la femme au travail l’engageant dans des activités pénibles le plus souvent, auquel il faut rajouter l’état de santé de la femme au cours de la grossesse et ses capacités physiques réduites pour l’exercice professionnel. La période de la grossesse étant en elle-même est une période vulnérable de la vie de la femme.
Il y a lieu de se poser plusieurs questions afin de connaitre la part du travail et son impact sur l’état de santé de la mère et de l’enfant en cas de projet de grossesse : quels sont les besoins de la mère travailleuse? Quel instrument réglementaire et institutionnel faut –il mettre en place pour assurer la protection de la grossesse et être en adéquation avec les objectifs des programmes nationaux, Quelles seraient les durées des congés pré natal et post natal permettant une meilleure protection de la mère et de l’enfant? Qu’en est-il du suivi de la grossesse, de l’accouchement, de la maternité et de l’allaitement ? Quel est le profil de la femme active qui est enceinte? Quelles sont ses attentes en rapport avec un projet de grossesse? Quels sont les conditions de l’accouchement et de l’allaitement ?
Les Facteurs de pénibilité
L’exercice durable du travail dans certaines conditions génère une pénibilité créatrice d’usure de la santé du salarié. La pénibilité peut être physique mais également mentale et psychique.
Certains travaux classés pénibles, la femme y est notoirement présente, il s’agit :
- Travaux nécessitant des efforts physiques : manutention de charges, contraintes posturales et articulaires, déplacements fréquents, travail à la chaine et à cadence, les gestes répétitifs et à flux tendus
Le travail répétitif est caractérisé par la répétition d’un même geste, à une cadence contraignante, imposée ou non par le déplacement automatique d’une pièce ou par la rémunération à la pièce, avec un temps de cycle défini
- Les travaux s’effectuant dans un environnement agressif : exposition au bruit, aux vibrations, aux produits toxiques, au froid et chaleur extrêmes
- Les travaux obéissant à un rythme atypique perturbant la chronobiologie humaine (3*8, travail de nuit, en horaires alternants)
- Les travaux s’exerçant sous pression psychologique induisant un stress
Objectifs de l’étude
L’étude à réaliser dans le cadre du programme conjoint SMNN, aura plusieurs portées, elle permettra de :
- Prendre connaissance de la vulnérabilité socio-économique des femmes actives occupées notamment, la difficulté d’accès aux soins SMNN et les obstacles : accessibilité aux soins, la non affiliation à la CNAM, les formes de violence fondée sur le genre, et ce dans des milieux de travail qui peuvent accentuer la vulnérabilité de ces femmes (sous rémunération, la pénibilité du travail et la précarité)
- d’identifier des mesures et dispositifs visant à réduire leur vulnérabilité
- Dégager les attentes de cette catégorie de population en matière de SMNN notamment pour les questions de la qualité des services et de l’accessibilité physique, psychologique et financière aux services de santé de la reproduction.
- d’identifier les besoins non satisfaits exprimés par les femmes, leur perception des droits en SMNN ainsi que l’appui social/juridique pour améliorer l’accès aux services.
- d’enrichir le processus de réflexion autour des options de panier de services de SMNN engagé dans le cadre du programme conjoint SMNN
Critères d’inclusion
Les secteurs d’activité à forte concentration féminine et à grande vulnérabilité du travail féminin à inclure dans l’étude couvrent les secteurs suivants :
- Les industries manufacturières :
Textile et confection, L’électronique et fabrication de pièces électriques, L’Agroalimentaire, Les cuir et chaussures
- Le secteur tertiaire
Le commerce de grande distribution, L’hôtellerie
- Le secteur agricole
Les indicateurs à mesurer seraient (à titre indicatif):
- L’âge à la première grossesse
- Morbidité lors de la grossesse (diabète gestationnel, toxémie gravidique, maladies infectieuses)
- Le nombre de grossesses non suivies
- Le nombre de grossesses arrêtées
- Poids de naissance
- Arrêt maladie avant l’accouchement
- Les troubles de la croissance (prématurité, faible poids de naissance, malformations congénitales..)
- Utilisation de la contraception
- Consultations prénatales
- Congé maladie après le congé légal de maternité
- Durée de l’allaitement maternel exclusif au sein
- le nombre d’accidents de travail durant l’année précédente
- le nombre maladies professionnelles déclarées à la CNAM
- Les risques professionnels et les conditions de travail selon le secteur
- L’existence de couverture par la médecine du travail
- l’existence de couverture par la sécurité sociale
- le type de contrat de travail
- la perception de la femme du niveau de sa rémunération par rapport à son métier
- la perception de la femme du niveau de sa rémunération par rapport à son collègue
- l’existence de violence (physique et morale)au travail
- les conditions de travail
- les ATCD médicaux
- la distance domicile/travail
Résultats attendus
A la fin de la mission, le(a) consultant(e) aura :
- Conduit l’étude auprès des femmes en âge de reproduction en milieu de travail ,en situation de vulnérabilité en matière de SMNN
- Remis un rapport de l’étude
- Facilité un atelier de présentation des résultats de l’étude
Tâches à accomplir
Le(a) consultant(e) aura à :
- (a) Préparer une note méthodologique (ou protocole de l’étude) pour la consultation. Cette note (ou protocole) devra être validée par l’ISST et la DSSB
- (b) Revue documentaire du cadre législatif afin de dégager les lacunes et les obstacles d’accès aux services de SMNN
- (c) Revoir les différents rapports et études réalisées disponibles traitant des problèmes de santé maternelle et néonatale en milieu de travail.
- (d) conduire l’étude dans milieux de travail identifiés qui présentent des facteurs de vulnérabilité des femmes en matière de SMNN
- (e) Assurer des entretiens avec les responsables/managers / médecins de travail de ces entreprises/usines pour dégager leurs perceptions des conditions de travail de la femme en âge de reproduction et leurs propositions pour améliorer l’accès aux services (2 interviews par secteur)
- (f) Rédiger un rapport d’études comprenant l’analyse de situation, les défis, opportunités et les orientations stratégiques en SMNN dans le milieu de travail
- (g) faciliter un atelier de présentation et de validation des résultats de l’étude
- (h) Remettre 02 exemplaires du document et une copie en version électronique
Conditions de travail et durée
- lieu: régions à déterminer
- période: juillet-aout 2015
- Durée : 40 jours de travail étalés entre le 10 juillet et 10 septembre 2015
Calcul du nombre des jours de travail :
- 03 jours pour préparer le protocole de l’étude
- 04 jours pour la revue documentaire
- 22 jours pour la conduite de l’étude (y compris les interviews)
- 08 jours Rédaction du draft rapport
- 03 jours pour la préparation, facilitation de l’atelier et la remise du rapport de l’atelier