CONTEXTE ET JUSTIFICATION
En Tunisie, la naissance d’enfants issus de relations hors mariage est condamnée socialement. De nombreuses mères se trouvent contraintes d’abandonner leur enfant sous la pression sociale. Selon le Ministère des Affaires Sociales, 1300 enfants naissent chaque année de mères célibataires, dont 600, en moyenne, sont abandonnés et placés dans des établissements de placement de la petite enfance.
Ces établissements, au nombre de 15, sont de deux types : 14 pouponnières associatives et l’Institut National de Protection de l’Enfance (INPE), unique structure publique qui s’occupe d’enfants sans protection familiale. Les 15 établissements prennent en charge les enfants dès leur naissance, en général pour quelques mois, jusqu’à leur adoption ou placement en famille d’accueil. Dans les pouponnières associatives, quand des enfants atteignent l’âge de deux ans sans être adoptés, ils sont alors transférés à l’INPE. Au-delà de 6 ans, ils quittent l’INPE pour être placés, en général jusqu’à leur majorité, dans des villages SOS.
Les pouponnières associatives sont placées sous la tutelle du Ministère des Affaires Sociales, plus spécifiquement de sa Direction Générale de Promotion Sociale (DGPS), qui exerce une tutelle administrative et technique et de l’INPE qui organise le placement des enfants en familles d’adoption, kafils (familles de tutelle) ou d’accueil.
En 2012, 12 des 14 pouponnières associatives ont officiellement créé un réseau commun, le RAET : Réseau Amen enfance Tunisie. Il leur permet de parler d’une même voix auprès des pouvoirs publics et de leurs autorités de tutelle et de développer des actions communes (sensibilisation et plaidoyer pour les droits des enfants sans protection familiale, échanges d’expériences, recherches d’appuis). Les pouponnières associatives accueillent en moyenne 300 enfants par an, soit la moitié des effectifs d’enfants abandonnés chaque année, l’autre moitié étant placée à l’INPE. Elles ont une capacité d’accueil maximale de 12 enfants, mais plusieurs d’entre elles en accueillent jusqu’à 20. Les besoins en termes d’accueil et de prise en charge de ces enfants sont croissants. Nombre d’entre eux sont en liste d’attente dans les maternités des hôpitaux, parfois pendant plusieurs mois, avec de graves conséquences sur leur santé psychique.
Face à ces besoins croissants, l’organisation des pouponnières reste à améliorer afin que la prise en charge puisse répondre pleinement aux besoins des enfants. Un renforcement sur l’éthique du soin et la démarche qualité s’impose comme une nécessité. Egalement, la coordination entre les différents acteurs de la protection de la petite enfance nécessite une meilleure harmonisation afin de limiter le temps du placement institutionnel et les discontinuités et ruptures dans le processus de prise en charge. Pour cela un état-des-lieux, sur la prise en charge de la problématique de la petite enfance sans soutien familial par les structures étatiques et associatives, semble primordial afin de déterminer un schéma des acteurs et structures concernées et de mettre en exergue les goulots d’étranglement.
MISSIONS ET OBJECTIFS
La présente consultation comporte trois missions :
- Une formation à l’éthique du travail avec la petite enfance. Cette formation se déroulera in situ dans chaque pouponnière. Elle aura pour objectif de transmettre aux professionnels et aux dirigeants de chaque pouponnière les conduites adéquates à tenir dans le cadre d’un travail quotidien avec des enfants. Les pouponnières ne sont pas encore dotées de documents de référence dans ce domaine et cette formation sera l’occasion d’élaborer avec eux, de manière participative, la charte éthique qu’elles souhaitent adopter.
- Une formation à la démarche qualité. Cette formation se déroulera, également, in situ dans chaque pouponnière. L’objectif de cette formation est de présenter la logique de la démarche qualité, les standards internationaux en matière de qualité d’accueil de la petite enfance et d’établir d’une manière participative, au sein de chaque pouponnière, le protocole qualité qu’elle souhaite mettre en place ainsi qu’un plan de travail détaillé pour une mise en place de ce protocole.
- La réalisation d’une étude pour faire un état des lieux de la prise en charge de la problématique de la petite enfance sans protection familiale par les services d’Etat et la société civile tunisienne. Cette étude devra informer sur les principales caractéristiques de cette problématique et son ampleur, sur les causes à l’origine de cette problématique, sur les points forts et faibles du cadre légal, des politiques et programmes publics, des approches et dispositifs de prise en charge de la société civile. Elle devra proposer une série détaillée de recommandations pour améliorer / renforcer les points faibles de chacun de ces domaines. Les résultats de l’étude seront restitués lors d’un séminaire national qui réunira les acteurs clés du secteur.
RÉSULTATS ATTENDUS
Pour la formation à l’éthique
- Les acteurs intervenant au sein des pouponnières sont sensibilisés aux principes fondamentaux de la réflexion sur l’éthique du soin et développent des liens, au sein de leurs pratiques professionnelles, entre les principes de la démarche éthique et les principes de l’approche basée sur les droits humains.
- Les acteurs intervenant au sein des pouponnières développent des dispositifs de travail permettant d’intégrer la préoccupation éthique comme vecteur de la prise en charge de l’enfant en institution.
- Une charte éthique commune à l’ensemble des intervenants en pouponnières est développée de façon participative.
Pour la formation à la démarche qualité
- Les acteurs intervenant au sein des pouponnières sont formés aux concepts, outils et méthodes de la démarche qualité au sein des unités d’accueil et d’hébergement de la petite enfance.
- Les acteurs intervenant au sein des pouponnières analysent leur système de prise en charge à la lumière des standards de qualité en matière d’accueil et d’hébergement de la petite enfance afin d’évaluer les écarts, définir leurs standards qualité et mettent en place une démarche qualité au sein de leur unité.
- Un accompagnement et un suivi de la mise en place de la démarche qualité est réalisé.
Pour l’étude état-des-lieux :
- Identification de tous les services d’Etat et la société civile tunisienne en charge de la problématique des enfants sans protection familiale : date de création, cadre juridique, répartition géographique, personnes ressources pour l’étude en question et partie prenantes principales.
- Définition et mise en œuvre des missions de chaque intervenant : organisation, attributions et nature de l’offre de service et de son organisation.
- Définition de la population accueillie : description détaillée et caractéristiques juridiques, sociologiques, psychologiques et biologiques ainsi que le parcours de l’usager.
- Elaboration de la cartographie des processus de la prise en charge de la problématique des enfants sans protection familiale.
- Identification des contraintes au niveau des interfaces reliant les processus entre eux.
- Analyse des contraintes identifiées et proposition de recommandations améliorer / renforcer les points faibles de chacun de ces processus de prise en charge.
GROUPE CIBLE ET COUVERTURE GÉOGRAPHIQUE
Les formations in situ concernent l’ensemble des acteurs (directrices, assistantes maternelles, agents, membres du CA, etc.) des treize pouponnières associatives membres du Réseau Amen Enfance Tunisie (environ 15 personnes par pouponnières).
L’enquête état-des-lieux se focalisera sur l’ensemble des acteurs et structures publiques et associatives centraux et régionaux intervenant dans la protection de la petite enfance sans soutien familial.
Les trois missions couvrent l’ensemble du territoire tunisien et spécifiquement les gouvernorats suivants : Ariana, Bizerte, Gabès, Gafsa, Kairouan, Mahdia, Manouba, Médenine, Monastir, Nabeul, Sfax, Sousse et Tunis.
METHODOLOGIE
Les deux consultants soumettront une proposition des outils lui permettant d’atteindre les résultats ci-haut cités.
La mission se basera sur une démarche participative et consistera à réunir un groupe de travail qui s’accordera sur les bonnes pratiques recommandées en tenant compte d’une analyse critique de la littérature disponible (ex : projets de service des pouponnières) et d’un recueil des pratiques professionnelles.
L’ensemble du processus comptera une analyse critique, recueil des pratiques, animation du groupe de travail et rédaction de recommandations.
DATE ET DUREE DE LA CONSULTATION
La consultation débutera à partir du 02 janvier, elle durera 280 jours étalés sur une période de 14 mois.
TACHES DES CONSULTANTS
Les consultants locaux sont appelés à :
- Elaborer une note méthodologique et un chronogramme de l’ensemble de la consultation.
- Définir et présenter la méthodologie et le cadre de travail : présenter les aspects et l’échéancier de la méthode, définir les besoins en informations et identifier celles qui sont d’ores et déjà disponible (ou d’en indiquer les sources), identifier les équipes de travail.
- Réaliser les supports de formation.
- Animer les formations in situ.
- Réaliser l’étude état-des-lieux
- Présenter les résultats de l’étude lors d’un séminaire national, de deux jours, sur la prise en charge des enfants sans protection familiale. Ce séminaire réunira une centaine de personnes parmi les acteurs clés du secteur. Une conférence de presse sera organisée à l’ouverture du séminaire pour informer sur l’évènement et diffuser un certain nombre de messages de sensibilisation et plaidoyer. Les résultats de l’étude serviront aussi à alimenter les argumentaires et messages des actions de sensibilisation et de plaidoyer qui seront organisées par le RAET au niveau national et par les Comités Locaux de Protection de l’Enfance Abandonnée au niveau local.
- Faire un rapport d’activités mensuel descriptif et analytique sur l’état d’avancement de la consultation.
- Faire des réunions mensuelles avec le chef de projet et le directeur de Santé Sud pour discuter des activités réalisées et prévisionnelles
- Élaborer les rapports finaux relatifs à chacune des trois missions.
HONORAIRES ET FRAIS LOGISTIQUES
Les honoraires seront versés mensuellement après réception du rapport d’activité mensuel. L’ensemble des frais de déplacement, d’hébergement, de repas et de télécommunication sont pris en charge par Santé Sud et selon ses procédures, ils ne sont pas à inclure dans l’offre financière proposée.