16 جويلية 2016 Il y a 8 ans
L’ambition de ce colloque, dans le contexte particulier du monde arabe après les contestations de 2010-2011, est d’analyser les recompositions relatives aux « élites » dans quelques secteurs-clé en premier lieu les élites politiques et partisanes mais aussi la haute fonction publique, la défense, la sécurité, la justice, l’économie, la culture, le monde intellectuel ou les médias, pendant et après un changement de régime, que celui-ci survienne suite à une insurrection populaire, un processus révolutionnaire ou un coup d’Etat. Une attention particulière sera accordée aux dimensions processuelles de la fabrication d’un nouveau personnel politique. Il s’agit tout autant de saisir ce que les élites font dans les processus critiques que ce que les crises font aux élites.
Ce que les élites font dans les processus critiques
Certaines fractions des élites ont joué un rôle majeur au cours des processus de changement de régime dans les pays arabes, de part leur contribution directe ou indirecte : attitude passive ou attentiste d’une partie des élites sectorielles en Tunisie pendant la révolution, puis reprise en main du processus par une fraction du personnel politique de l’ancien régime ; rôle des organisations de la « société civile » au cours du processus démocratique dans ce même pays ; rôle politique des dirigeants de l’armée en Egypte au cours de la séquence révolutionnaire jusqu’au coup d’Etat du 3 juillet 2013 ; usages politiques du droit par les magistrats égyptiens, engagement de fractions des élites intellectuelles et médiatiques égyptiennes aux côtés du mouvement social ou en faveur de l’armée, résistances et mobilisations des réseaux Khadafistes pendant la guerre civile et l’intervention étrangère en Libye ; établissement d’un « pacte entre élites » au Yemen, etc. L’histoire des stratégies des dirigeants des partis uniques et de leurs soutiens sociaux pendant la situation révolutionnaire reste encore largement à écrire. Il s’agira de comprendre comment l’émergence d’un processus critique enrôle (et dans quelle mesure) tout ou partie des élites des régimes en place, suscite la primo-émergence d’une nouvelle élite amenée à jouer un rôle actif dans le processus contestataire, consolide ou brise les transactions collusives entre diverses fractions élitaires, etc.
Ce qu’une « révolution » fait aux élites
L’une des propriétés d’un changement de régime est qu’il s’accompagne d’une redéfinition du périmètre des acteurs politiques et administratifs légitimes : toute ou partie de l’élite du régime déchu est disqualifiée, tandis qu’émergent de nouveaux acteurs, parmi lesquels on compte, dans des proportions variables d’un pays et d’une époque à l’autre, des transfuges de l’ancien régime. Dans quelle mesure assiste-t-on à un renouvellement ou à une reproduction des élites, dans le champ politique, dans l’économie, la sécurité ou la culture, tant quantitativement que qualitativement ? Quels sont les secteurs qui se renouvellent le plus ? Quelles sont les modalités concrètes de ces transformations (décisions politiques, pressions sociales ou médiatiques, etc.) ? Observe-t-on des résistances au changement dans certains secteurs et quelles formes prennent-elles ?
Emergence de nouveaux acteurs et fabrication d’un personnel politique
De nouvelles élites ont émergé à la faveur de l’institutionnalisation du pluralisme, de la recomposition des positions de pouvoir et du processus électoral, du moins là où l’expérience démocratique est en voie d’institutionnalisation. Qui sont ces « nouvelles » élites ? Dans quelle mesure sont-elles « nouvelles » ? Quels sont les profils sociaux et politiques du personnel politique après les changements de régime, dans les institutions transitionnelles ad hoc telles que la Haute instance tunisienne (2011), les assemblées représentatives, les équipes gouvernementales, les organisations politiques ? Quelles sont les filières d’accès à la représentation démocratique ? Dans les pays qui connaissent une autre trajectoire, quelles transformations des rapports de forces entre les différentes élites et à l’intérieur d’une même « catégorie » d’élites peuvent-elles être observées ?
L’effondrement d’un régime autoritaire, même partiellement ou symboliquement reconstitué sous l’effet d’un événement intervenu au cours du processus démocratique, conduit à l’émergence de pratiques nouvelles et à l’instauration de nouvelles normes dans l’exercice de la représentation politique. Comment le personnel politique (mais aussi médiatique) fait-il l’apprentissage de la compétition politique (constitution de partis politiques, par exemple) et de la concurrence électorale ? Comment les nouveaux élus endossent-ils leur rôle de représentant et contribuent-ils, ce faisant, à la définition sociale des rôles politiques ? Qu’ils soient d’anciens militants de partis de l’opposition démocratique, d’ex-membres du parti au pouvoir ou des islamistes, tous font l’apprentissage de règles inédites, qui régulent le fonctionnement concret des institutions. Quels profils politiques émergent-ils de ce nouvel état de la configuration politique ? Voit-on s’imposer des entrepreneurs politiques riches de capitaux financiers, dont la légitimité se construit dans les médias nationaux ? Assiste-t-on à une notabilisation locale des élus ? Le personnel politique s’appuie-t-il sur des positions acquises au sein des partis politiques ?
Recompositions et reconversions des cadres de l’ancien régime
Les « révoltes arabes » de l’hiver 2010-2011 ont fait vaciller, parfois jusqu’à l’effondrement, comme en Tunisie, les régimes autoritaires nés après les indépendances. Partout, elles ont été une épreuve pour les élites en place : le personnel politique, les hauts fonctionnaires, les élites économiques et culturelles ont dû s’adapter à une situation qu’ils n’avaient pas anticipée. Comment les acteurs, pris dans un processus dont ils ne maîtrisent en général pas l’issue, s’adaptent-ils à la situation ouverte par l’effondrement du régime ? Comment se reclassent-ils dans les pays qui connaissent une institutionnalisation de la démocratie comme dans les pays qui connaissent un raidissement autoritaire ou s’enfoncent dans la guerre civile ?
Les « anciennes élites » connaissent des trajectoires variées en fonction de leur position antérieure, des différents secteurs et de l’évolution du contexte post-autoritaire. Quels sont les effets de la révolution sur les élites de l’ancien régime (personnel politique, haute fonction publique, élites entrepreneuriales, élites des médias, etc.) ? Quelles formes ont pris leur déclassement (mises à la retraite anticipée, placardisation administrative, épreuve judiciaire, etc.) Quelles sont les principales trajectoires « post-révolutionnaires » (de reconversion professionnelle, de conversion à la démocratie, etc.) des anciennes élites ? Comment s’adapte-t-on à une disqualification collective et/ou individuelle ? Plus généralement, sous quelles formes, par quels moyens, ces groupes survivent-ils à l’effondrement du régime ? Quelles configurations d’élites se (re)constituent-elles sous l’effet d’une réhabilitation voire d’une « restauration autoritaire » ? Quelles procédures ont-elles été adoptées pour permettre la réintégration des représentants de l’ancien régime (lois d’exclusion politique, instances vérité et réconciliation, etc.), notamment dans les secteurs de la justice et de la sécurité ?
Recomposition des légitimités
Ces questions débouchent sur le problème de la fixation des normes de légitimité après ou lors d’une transformation de régime. Ce problème peut être saisi à plusieurs niveaux. Au niveau, d’abord, de l’articulation entre composition du personnel politique, pratiques de représentation et perspective révolutionnaire : les élites sont-elles, par exemple, représentatives des territoires d’où a émergé, comme en Tunisie, la contestation sociale ? Au niveau, ensuite, de la reproduction partielle des élites de l’ancien régime. Celles-ci sont un enjeu même du processus de changement de régime. Elles sont l’objet d’une attention publique particulière et d’un débat au sujet de poursuites et/ou de sanctions possibles. Elles représentent une dimension du débat sur les fins et les moyens de la « justice transitionnelle ». Au niveau, enfin, de l’écart entre renouvellement des élites et transformation des logiques de légitimité. Ainsi, un renouvellement du personnel politique n’emporte pas nécessairement une transformation des critères de légitimité politique, à l’instar par exemple des logiques sociales du recrutement politique.
Ces journées d’étude ont pour objectif de cartographier la recherche sur les élites et rendre accessibles les connaissances produites sur ce domaine dans diverses disciplines : sociologie politique, anthropologie, histoire, etc. Il s’agira de rassembler chercheurs individuels et équipes de recherche qui travaillent sur cette question et de confronter les pistes d’analyse, tout en suscitant une discussion méthodologique sur les bonnes manières d’analyser les dynamiques élitaires dans le contexte d’un changement de régime. A travers une analyse comparée centrée sur ce qui sont les élites et ce qu’elles font dans de tels contextes, il s’agit d’enrichir notre compréhension des processus politiques dans les pays du monde arabe depuis 2010-2011. Une telle perspective permet en effet d’échapper aux logiques de classement (transition démocratique/restauration autoritaire ; démocratie/autoritarisme, etc) fondées sur quelques critères choisis arbitrairement (élections libres, alternance, etc.) dont sont friands les commentateurs et de privilégier une analyse de l’intérieur auprès des acteurs clés des configurations politiques.
Si les contributions attendues porteront sur le monde arabe (dans un sens toutefois non restrictif), plusieurs discutants seront spécialistes d’autres aires culturelles et d’autres périodes historiques, afin de susciter des comparaisons dans le temps et l’espace.
Le colloque est organisé par l’Institut de recherche sur le Maghreb contemporain (IRMC) et la Konrad-Adenauer-Stiftung en Tunisie. Coordinateur : Jérôme Heurtaux, PSL Research University, Université Paris-Dauphine, IRISSO-CNRS, Institut de recherche sur le Maghreb contemporain (IRMC).
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