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Cahier Spécial des Charges TUN20001- 10045 

Marché de services relatif à l’accompagnement à  l’élaboration et la mise en œuvre d’un protocole de  prise en charge médico-légale des violences  sexuelles 

Pour le projet « Sila – Programme de lutte contre les  violences basées sur le genre en Tunisie »

Contexte 

  1. Présentation 

Enabel est l’agence belge de développement. Notre mission est d’œuvrer pour un monde durable où toutes les  personnes vivent dans un État de droit et ont la liberté de s’épanouir pleinement. Avec nos partenaires, nous  fournissons des solutions pour relever des défis mondiaux urgents – le changement climatique, les inégalités  sociales et économiques, l’urbanisation, la paix et la sécurité, la mobilité humaine – et pour promouvoir la  citoyenneté mondiale.   

Nous avons plus de 20 ans d’expérience dans divers domaines allant de l’éducation et des soins de santé à  l’agriculture, en passant par la protection de l’environnement, la digitalisation, l’emploi et la gouvernance.  L’expertise d’Enabel est sollicitée dans le monde entier – par le gouvernement belge, les institutions de l’Union  européenne, les gouvernements d’autres pays, ou encore le secteur privé. Nous collaborons avec des acteurs de la  société civile, des instituts de recherche et des entreprises, et nous encourageons une interaction fructueuse  entre la politique de développement et d’autres domaines.   

Avec 2100 collaborateurs et collaboratrices, Enabel gère plus de 200 projets dans une vingtaine de pays, en  Europe, en Afrique et au Moyen-Orient.   

En Tunisie, Enabel met en œuvre actuellement avec ses partenaires deux (2) projets, le premier projet “Pour une  approche holistique de la gouvernance de la migration du travail et de la mobilité du travail en Afrique du Nord  (THAMM-Enabel), et le deuxième projet dans le cadre duquel s’inscrit le présent appel “ Programme de lutte  contre les violences basées sur le genre en Tunisie. 

  1. Les violences sexuelles en Tunisie 

Les violences basées sur le genre (VBG) englobent un large éventail d’actes de violence dirigés contre une  personne en raison de son genre, incluant des formes physiques, émotionnelles, psychologiques, et économiques.  Elles touchent principalement les femmes et les filles, bien que les hommes et les garçons puissent également en  être victimes. Parmi ces VBG, les violences sexuelles se distinguent par leur nature spécifique et profondément  traumatisante. Les violences sexuelles sont une forme particulièrement odieuse de violence qui inclut le viol et  diverses autres attaques de nature sexuelle, perpétrées contre des femmes, des jeunes filles, des hommes et des  garçons. Souvent accompagnées de stigmates sociaux, de honte, et d’une détresse psychologique intense, ces  violences sexuelles sont particulièrement destructrices pour les victimes. Elles exigent une attention spécifique  dans les réponses légales et institutionnelles, car elles touchent non seulement l’intégrité physique des  survivant.e.s, mais aussi leur dignité et leurs droits fondamentaux. 

Tant en matière de droits des femmes, que de droits des enfants, la Tunisie fait figure de pionnière en Afrique du  Nord. En 2017, le pays a adopté la loi organique nº2017-58 du 11 août 2017, relative à l’élimination de la violence  à l’égard des femmes (dite loi 58)1, et devient le premier Etat arabe à adopter une loi globale pour l’élimination  des violences faites aux femmes, notamment les agressions physiques, morales, sexuelles, politiques et  économiques.  Cette loi a été suivie de l’adoption d’une stratégie nationale de lutte contre les VEF. En matière de  droits des enfants, la Tunisie fait également figure de pionnière grâce à sa loi interdisant les châtiments corporels.  En octobre 2019, la Tunisie est devenue le 45ème pays et le premier Etat non-membre du Conseil de l’Europe à  adhérer à la Convention de protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels, la Convention de  Lanzarote. En 2018, une étape historique a également été franchie par l’adhésion au troisième Protocole facultatif  à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la soumission des communications (plaintes  individuelles) devant le Comité des droits de l’enfant. Tout comme la loi 2016 relative à la prévention et la lutte  contre la traite des personnes, la loi 58 comprend un certain nombre de dispositions relatives à l’enfant, en  particulier l’abolition de la possibilité donnée au violeur d’épouser sa victime ; la même loi a élargi la portée des  crimes relatifs à l’exploitation sexuelle des enfants pour inclure les garçons – alors que cela se limitait auparavant  aux filles.

Malgré les efforts entrepris, les VBG, et plus spécifiquement les violences sexuelles restent une menace  omniprésente, les quelques données disponibles révèlent des taux préoccupants de violences sexuelles. 

Les premiers résultats de la deuxième enquête nationale sur la violence à l’égard des femmes, menée en 2022 par  l’Institut National des Statistiques (INS)2, annonce une prévalence alarmante des violences en général avec 57,1%  des femmes déclarant avoir été victimes d’au moins un acte de violence au cours des 12 derniers mois. Parmi  elles, 15,6% ont subi au moins un acte de violence sexuelle, la majorité de ces agressions ayant lieu en dehors du  cadre conjugal.   

En ce qui concerne les violences contre les enfants, le nombre de signalement d’agressions sexuelles sur enfant  reçus par les bureaux régionaux des délégués de protection de l’enfance en cours de l’année 2023 a atteint 55 (45  filles et 10 garçons, ainsi que 19 signalements en cours du premier trimestre 2024 (15 filles et 4 garçons)3

Au niveau des services de médecine légale, en 2023, l’Unité médico judiciaire « Injed » de l’hôpital Charles Nicolle  à Tunis a pris en charge 1014 personnes, parmi lesquelles 600 femmes (59,17%), 376 filles et 135 garçons. Chez les  femmes et les filles, le pourcentage d’agression sexuelle était de 67%. 

Ces quelques données ne fournissent qu’un aperçu général de la situation, les violences sexuelles connues ne  représentant que la partie visible de l’iceberg. L’insuffisance des données, notamment concernant la situation des  personnes en situation de handicap, des personnes migrantes ou encore des personnes LGBTQIA+, limite la  compréhension réelle de ce phénomène. De plus, les violences sexuelles restent parmi les moins signalées, en  raison des normes sociales dominantes, des sentiments de culpabilité et de honte, ainsi que de la peur de ne pas  être prise au sérieux ou de ne pas obtenir justice, ce qui renforce la loi du silence. 

Les violences sexuelles constituent une violation des droits humains et un problème de santé publique, dont la  prise en charge requiert la mobilisation coordonnée de l’ensemble des acteurs institutionnels, de la société civile  et des services de santé. En effet, les prestataires de services de santé dont la médecine légale et ses laboratoires,  les services sociaux, la police et le système judiciaire – y compris les avocats et les juges –, doivent intervenir. 

Dans cet ensemble de services, la médecine légale joue un rôle clé, car elle constitue souvent la première étape  vers la reconnaissance et la documentation des faits de violence, ce qui est essentiel pour la poursuite judiciaire et  la protection des droits des victimes. Les éléments de preuve médico-légaux sont à l’intersection des actions  médicales et judiciaires, et une mise en œuvre appropriée requiert la coordination des différents acteurs et  secteurs intervenant dans la prévention de la violence sexuelle. 

Les services de médecine légale en Tunisie varient considérablement selon les régions, avec une unité pilote à  Tunis, nommée l’Unité Médico-Judiciaire « Injed » de l’Hôpital Charles Nicolle de Tunis ci-dessus mentionné, créée  le 8 mars 2016 pour améliorer le soutien aux victimes de violences. Cette unité, spécialisée dans l’accueil et la  prise en charge des victimes de violences sexuelles, fonctionne en coordination avec les structures judiciaires et  policières. Elle propose des consultations médicales assurées par un médecin légiste ainsi que des consultations  psychologiques menées par une psychologue. 

Cette unité bénéficie de ressources et d’équipements avancés. En revanche, dans d’autres régions, les services ne  sont pas adaptés pour accueillir les victimes de violences sexuelles et manquent des équipements nécessaires  ainsi que des compétences requises. Certaines zones n’ont même pas de médecins légistes disponibles et doivent  se rattacher à d’autres services. Les unités de médecine légale ne possèdent pas toujours des moyens nécessaires  pour réaliser des analyses dans des délais appropriés, ce qui oblige les femmes victimes à se déplacer vers  d’autres gouvernorats. De plus, il existe une faible collaboration et une méconnaissance entre ces unités et la  société civile. Les victimes de violences sexuelles en Tunisie rencontrent des défis supplémentaires, notamment  l’absence d’accès à des services médicaux disponibles 24 heures sur 24, ce qui complique la collecte de preuves  dans les délais nécessaires.  

  1. Cadre général de la mission 

Le projet Sila est une action de lutte contre les VBG financé par l’UE dans le cadre du Programme d’Appui à  l’Inclusion Sociale (PAIS). Le projet est mis en œuvre par Enabel et l’Agence Espagnole de Coopération  Internationale et Développement (AECID), en partenariat avec le ministère de la Famille, de la Femme, de  l’Enfance et des Personnes Agées (MFFEPA), l’Office Nationale de la Famille et Population (ONFP), l’Unité Médico Judiciaire de l’hôpital Charles Nicolle (Injed) et les organisations de la société civile tunisienne.

L’objectif général du projet est le suivant : « Plus de femmes et de filles, notamment les plus marginalisées et  celles vivant dans des situations vulnérables, peuvent exercer leurs droits humains de mener une vie exempte de  toutes formes de violences ». Pour atteindre cet objectif, la stratégie adoptée prévoit d’agir au niveau de la  coordination et de la gouvernance, de la coordination des services essentiels et de l’évolution des normes  sociales.  

Le projet combine une composante orientée sur le renforcement institutionnel menée par Enabel et une  composante de renforcement de la société civile conduite par AECID. 

  1. Cadre spécifique 

Dans le cadre de son volet visant à améliorer la prise en charge des violences basées sur le genre (VBG), le projet  Sila prévoit d’assurer la disponibilité de procédures, d’outils et de ressources pour garantir une réponse adéquate  aux violences sexuelles par le secteur de la santé en Tunisie. Le projet commencera par une phase pilote qui  inclura : 

  • Le développement et la mise en œuvre d’un protocole spécifique pour la prise en charge des violences  sexuelles par les services de médecine légale tunisiens ; 

Pour la mise en œuvre de cette composante, Enabel recrute un soumissionnaire afin d’accompagner un groupe de  médecins légistes tunisien.nes dans l’élaboration du protocole de prise en charge des violences sexuelles par les  services de médecine légale en Tunisie. 

  1. Résultats, tâches, approches et livrables 
  2. Résultats attendus 

Dans le cadre de cette mission, il s’agit de sélectionner un soumissionnaire responsable de mobiliser une équipe  d’expert.es pour :  

Résultat 1 Analyses les capacités du groupe de travail et évaluation de la prise en charge des violences sexuelles  par les services de médecine légale en Tunisie et plus spécifiquement dans les gouvernorats de Sousse, Mahdia,  Monastir, Sfax, Kasserine, Béja, Kairouan et Médenine et ce à travers :  

Nous attendons du soumissionnaire d’une part, d’évaluer les capacités du groupe de travail et des référent.es des  différents secteurs de la santé impliquées d’une part, et d’évaluer la prise en charge des VS par la médecine légale  dans les zones cibles. Ces analyses aboutiront à l’élaboration d’une feuille de route fixant les étapes pour  l’élaboration du protocole, une proposition de structuration du protocole et de ses annexes et des propositions  relatives au renforcement des capacités du groupe de travail impliqué dans l’élaboration du processus. Concernant  l’évaluation, il est attendu une analyse à la fois la prise en charge des victimes conformément aux standards  internationaux, la coordination/ collaboration entre les services de médecine légale et les autres services du  secteur de la santé (services gynécologiques, dermatologiques, infectiologiques, etc.) et les autres parties  prenantes, notamment les secteurs de l’intérieur, de la justice et le ministère de la famille, femme, enfance et  personnes âgées ou encore la société civile. Cette évaluation devrait permettre de disposer d’une cartographie  des principaux services/ acteurs avec lesquels collaborent la médecine légale mais également d’identifier les  parcours des victimes afin de les modéliser, d’identifier les bonnes pratiques et les défis en matière de prise en  charge des violences sexuelles. Il est attendu du soumissionnaire de se déplacer dans les gouvernorats, de  rencontrer les équipes de médecine légale ainsi que les autres acteurs impliqués dans le processus. Le processus  sera encadré de deux ateliers de travail avec le groupe de travail de médecins légistes. 

Sur la base des activités précédentes, élaborer une feuille de route venant préciser :  

  • Les différentes étapes de l’élaboration du protocole ; 
  • Une proposition de structure du protocole et de ses annexes ; 
  • L’agenda de travail et les modalités de collaboration et de suivi du groupe de travail 
  • Une proposition d’activités et de formations pour le renforcement des compétences des membres du  groupe de travail en matière de genre, VBG, cycle de la violence, prise en charge des victimes de violence  sexuelle en situation de handicap, approche féministe, consentement, etc. 

Résultat 2 Appuyer le renforcement des compétences du groupe de travail composé de 7 médecins légistes en  matière de prise en charge des violences sexuelles  

Le projet envisage la réalisation d’un séminaire international d’échange d’expérience sur la prise en charge des  violences sexuelles par la médecine légale et la réalisation d’un programme de formation et/ou l’animation  d’ateliers spécifiques afin de renforcer les compétences du groupe de travail de médecins légistes afin de mener  sa mission. Le contenu sera co-construit avec le groupe de travail lors de la phase précédente. 

Résultat 3 Accompagner ce groupe dans l’élaboration d’un protocole de prise en charge des violences sexuelles par  les services de médecine légale en Tunisie ainsi que de ses annexes conformément au cadre légal tunisien et aux  standards internationaux. 

Le soumissionnaire accompagnera le groupe de travail dans l’élaboration du protocole et de ses Il est proposé  notamment un accompagnement à distance, mais également une séance de travail finale pour la finalisation du  protocole et de ses annexes

Résultat 4 Former les médecins légistes sur le protocole de prise en charge des violences sexuelles, suivre sa mise  en œuvre, et sur la base de ce travail, réviser, adapter et valider le protocole final. 

Dans cette étape, il est attendu du soumissionnaire, de former les médecins légistes afin de tester le protocole et  ses annexes, au moyen de la réalisation d’une formation, de visite de suivi sur le terrain. Le processus aboutira à la  validation finale du protocole, puis à sa présentation officielle. Une capitalisation est également prévue afin de  mettre en avant les bonnes pratiques du processus et les points d’amélioration 

  1. Les approches 

Pour assurer un protocole pertinent, pratique, et surtout adapté aux besoins réels des victimes, il est attendu que  les expert.es mobilisé.es adoptent une approche basée sur la co-création. Cela implique activement toutes les  parties prenantes, y compris les femmes victimes de violences, les professionnel.les de la santé, les organisations  de la société civile, ainsi que les institutions publiques concernées, telles que la police et la justice. 

De plus, le protocole doit être élaboré en adoptant des approches féministes qui reconnaissent et remettent en  question les dynamiques de pouvoir et de genre qui contribuent aux violences sexuelles. Une perspective  intersectionnelle est également indispensable, reconnaissant que les expériences de violence peuvent varier en  fonction de multiples facteurs identitaires tels que l’ethnicité, l’orientation sexuelle, le statut socio-économique et  les capacités physiques ou mentales. Les expert.es mobilisé.es doivent porter une attention particulière aux  victimes en situation de vulnérabilité en garantissant que le protocole est accessible et adapté aux besoins  spécifiques des enfants, des personnes âgées, des personnes en situation de handicap, des migrant.e.s, et des  membres de la communauté LGBTQIA+. 

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