Depuis sa création en 2014, l’Association tunisienne de prévention positive, œuvre pour consolider la riposte nationale au VIH et l’accès à la prévention contre cette infection. Elle lutte également pour favoriser l’accès au traitement des personnes vivant avec le VIH et garantir leurs droits dans une démarche globale de défense des droits humains.
Dans le cadre de la mise en œuvre de son plan d’action et suite à la multiplication des cas de discrimination faite aux personnes vivant avec le VIH (PVVIH) en Tunisie, en particulier dans les milieux hospitaliers, l’Association tunisienne de prévention positive a réalisé une étude et une analyse des textes juridiques afférents à la protection des droits de ces personnes.
Elle a relevé de nombreuses lacunes qui se rapportent non seulement au principe de non-discrimination mais aussi à l’accès au travail, au droit à la protection de la vie privée, à la sécurité sociale, ou encore les droits économiques, civils et politiques.
En Tunisie quoi que la loi numéro 92-71 relative aux maladies transmissibles datant de 1992, qui stipule que « nul ne peut faire l’objet de mesures discriminatoires à l’occasion de la prévention ou du traitement d’une maladie transmissible », garantit un ensemble de droits aux PVVIH tel que la non-discrimination et la gratuité des soins, elle reste néanmoins une loi d’ordre médical et accès principalement sur la protection de l’ordre public. Selon l’ATP+ cette loi présente des défaillances auxquelles il faut remédier.
Dans son Art.10, cette même loi consacre le droit de se faire soigner gratuitement dans les structures sanitaires publiques. Un droit qui a été plus tard consolidé par la publication en février 2001 de la circulaire du ministère de la Santé publique n°16-2001, qui élargit la gratuité des soins à la trithérapie dont bénéficient les personnes vivant avec le VIH.
La loi de 1992 oblige dans son Art. 7 les professionnels de la santé à déclarer aux autorités sanitaires les cas d’atteintes de maladies transmissibles mentionnées dans l’annexe de cette loi, notamment VIH/Sida. Ceci constitue une violation aux droits des patients et aux législations en vigueur, relatives à la protection des données personnelles (Loi de 2004 sur la protection des données à caractère personnel et la Convention européenne 108).
Notons qu’en vertu de la dite loi, cette déclaration n’est pas considérée comme une violation du secret professionnel.
L’Association tunisienne de prévention positive a également souligné, dans son analyse des textes juridiques, le non-respect des droits civils des PVVIH en particulier le droit à l’information. La loi de 1992 couvre uniquement le droit du patient d’être informé de sa maladie, ses répercussions, et ses devoirs en termes de prévention pour éviter la contamination d’autrui. Le droit d’accès à la justice et aux différents services sociaux ou encore la prise en charge, ne sont pas mentionnés.
Le droit d’accès à la prise en charge est par ailleurs réservé uniquement aux Tunisiens résidents en Tunisie. Il n’existe aucun cadre juridique qui réglemente le droit d’accès aux soins pour les migrants.
L’absence de réglementation touche aussi à d’autres domaines et situations. La loi tunisienne ne prévoit aucune disposition particulière en ce qui concerne la situation des PVVIH dans le milieu professionnel. La contamination au VIH peut en effet affecter la conservation du travail et bien que la maladie en elle-même ne soit pas considérée comme faute grave et par conséquent un motif de licenciement, elle peut en être l’origine. La contamination par le VIH/Sida et le traitement pourraient réduire les capacités productives d’un travailleur et ainsi l’exposer au risque de se faire licencier.
L’absence de textes de loi à ce niveau constitue donc une atteinte aux droits économiques et sociaux des personnes vivant avec le VIH.
Outre les lacunes juridiques susmentionnées, la loi tunisienne stigmatise les populations clés particulièrement vulnérables au VIH. Il s’agit de la communauté LGBTQI++ (lesbienne, gay, bisexuel, transgenre, queer, intersexe, ++), les travailleurs et travailleuses du sexe, la population carcérale ou encore les utilisateurs et utilisatrices de drogues injectables. Ces groupes sont souvent écartés de l’accès aux services adéquats tels que les mesures de prévention. A titre d’exemple, les établissements pénitentiaires en Tunisie ne reconnaissent pas les modes de prévention contre le VIH (préservatif et matériel d’injection stérile) et misent uniquement sur les méthodes répressives : séparation et contrôle de ses communautés.
Après avoir mis en exergue la nécessité d’harmoniser les textes juridiques afin de garantir au mieux les droits des personnes vivant avec le VIH, l’Association tunisienne de prévention positive a élaboré un ensemble de recommandations :
- élaborer un cadre juridique spécifique aux PVVIH qui prend en considération leur situation particulière, renforce leurs droits civils, politiques, économiques et sociaux, formule clairement l’interdiction de toute forme de discrimination à leur encontre,
- consolider la législation sur la protection des données personnelles des PVVIH et sanctionner lourdement la divulgation de ces informations,
- intégrer le VIH/Sida à la liste des maladies chroniques de la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM),
- supprimer la pénalisation injustifiée dont sont victimes les populations clés vulnérables au VIH,
- assurer des formations sur les droits des PVVIH aux agents des établissements pénitentiaires, et toutes les personnes intervenantes
Il convient de rappeler que jusqu’à 2017, le ministère tunisien de la Santé publique a recensé plus de 2500 cas d’atteinte au VIH et 1800 de PVVIH.
La Tunisie a aussi adopté en février 2018 un plan quinquennal pour la lutte contre les infections sexuellement transmissibles et le Sida. Ce plan initié par le ministère de la Santé publique en collaboration avec le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/Sida (ONUSIDA) et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a pour objectif de consolider davantage la stratégie de prévention contre cette infection par le dépistage et le diagnostic précoce.
L’association tunisienne de prévention positive lance un appel aux décideurs politiques pour réviser leurs positions et considérer la situation des personnes vivant avec le VIH et leur vécu.
Leur garantir leurs droits ne peut qu’assurer la prévalence de l’État de droit
Organismes concernés
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[…] A. M. (avec Jamaity.org). […]