Mercredi dernier, le Centre d’Information et Education au Développement (CIES) et l’INTES ont organisé une journée d’étude réunissant des représentants associatifs et universitaires afin de réfléchir ensemble sur la question des migrations humaines et proposer des pistes de réflexion permettant de mieux appréhender ce phénomène.
Depuis quelques années, les contours d’un nouveau contexte de migration ont commencé à se dessiner en Tunisie. Longtemps considérée comme un pays d’immigration, la Tunisie se retrouve actuellement au cœur d’une dynamique communautaire marquée par une inversion considérable des flux migratoires. Peu à peu, cette réorientation des flux a engendré la transformation de ce pays en une des premières destinations des migrants, en particulier ceux originaires de l’Afrique subsaharienne.
Face à une politique nationale « insuffisante » en matière de migration, les organisations de la société civile déploient beaucoup d’efforts pour favoriser la construction et la mise en place de mécanismes plus efficaces et structurés en matière de défense des droits des migrants en Tunisie. Tel est le contexte dans lequel s’inscrit la journée d’étude, portant sur le thème « Migration, vulnérabilité et inclusion : Dynamiques institutionnelles et logiques des acteurs », qui s’est ténue mercredi 03 avril 2019 à Tunis.
Cette journée a été organisée par le Centre d’Information et Education au Développement (CIES), l’Union Tunisienne de Solidarité Sociale (UTSS), l’Université La Sapienza de Rome et l’Institut National du Travail et des Etudes Sociales (INTES). Elle s’inscrit dans la suite des activités menées dans le cadre du projet PINSEC « Jeunes, femmes et migrants : Parcours d’Inclusion Sociale et Economique en Tunisie », cofinancé par l’Agence Italienne pour la Coopération au Développement (AICS).
La rencontre avait pour objectif de réunir des représentants associatifs et universitaires afin de réfléchir ensemble sur la question des migrations humaines et proposer des pistes de réflexion permettant de mieux appréhender ce phénomène.
Le premier cycle de la journée d’études s’est ouvert par une séance inaugurale assurée par Fathi Rekik, Professeur HDR de sociologie à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de l’Université de Sfax, intitulée « Migrations et vulnérabilités ». Dans son discours, M. Rekik a tenu à signaler la distinction entre la migration classique et celle de nos jours. Selon lui, il convient de parler, aujourd’hui, de mobilité plutôt que de migration tant « les trajectoires sont individualisés, discontinus, imprévus et donc non contrôlables ». Pour lui, ces nombreux déplacements ont pour causes principales les guerres, les impasses politiques et les changements idéologiques enclenchés « dans différentes régions chaudes du monde ».
La journée a été aussi l’occasion de présenter les résultats de travaux empiriques consacrés aux problématiques traitant la migration.
Dans son étude, Ali Belhaj, expert international en gouvernance de la migration, s’est penché sur la catégorie des migrations de retour « non volontaire » ou « forcé » du phénomène migratoire. Cette étude, qui s’est focalisée sur le contexte tunisien, a permis d’identifier le profil de cette catégorie de migrants « expulsés ». Les chiffres montrent qu’il s’agit généralement d’un individu de sexe masculin, jeune (59% ont moins de 40 ans), faiblement instruit et provenant majoritairement d’un quartier modeste. Par ailleurs, M. Belhaj a attiré l’attention sur la vulnérabilité de cette population dont la réinsertion ne semble pas, selon lui, constituer une priorité publique. « La négligence et l’ignorance ne peuvent que renforcer un penchant marginaliste dont les retombées sociales seraient désastreuses », a-t-il conclut.
Dans les deux interventions suivantes, il a été choisi de mettre l’accent sur les migrations subsahariennes. Chokri Arfa, de l’Institut National de Travail et des Etudes Sociales (INTES), a exposé l’enquête « santé et recours aux soins des migrants en Tunisie ». Les résultats soulignent certains freins à l’accès aux soins auxquels sont confrontés les migrants tels que les barrières linguistiques, la stigmatisation et le manque d’information sur le système de santé. Lassaad Laabidi a ensuite présenté son travail sur les conditions de vie des immigrés provenant de l’Afrique subsaharienne et occupant des emplois informels en Tunisie. Selon lui, face à un code de travail perçu comme restreint et rigide, les migrants sont confrontés à plusieurs formes de maltraitance et d’exploitation. « Il s’agit d’un code qui n’a pas été révisé pour répondre aux nouvelles conditions du marché de travail tunisien et aux nouvelles exigences économiques du pays » a-t-il expliqué.
Enfin, Giovanni Cordova, de l’université La Sapienza de Rome, a clôturé la journée avec une étude développée au sein du projet PINSEC et focalisée sur le patrimoine culturel des migrants subsahariens présents en Tunisie.
Dans une dernière partie, les présentations des intervenants ont été enrichies par des échanges-débats auxquels les participants et partenaires associatifs ont été invités à participer.
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