Ce lundi 27 mars, une conférence de presse a été tenue par la coalition pour l’abrogation de la circulaire du ministre de la justice du 5 novembre 1973 interdisant le mariage de la tunisienne musulmane avec un non-musulman.
Trois organisations ont joint leurs efforts pour faire naître cette coalition, il s’agit du Collectif Civil pour la défense des libertés individuelles, la Fédération des Tunisiens Citoyens des deux Rives (FTCR) et de l’Association de Soutien aux Minorités qui ont décidé de faire converger leurs initiatives pour porter haut et fort la cause du libre choix du conjoint.
“Au vu de notre constitution, il est inadmissible qu’une simple circulaire commande la vie de millions de citoyens et citoyennes et remette en question l’Etat de droit”, c’est ce qu’a martelé Sana Ben Achour, juriste et présidente de l’association BEITY, membre du collectif pour la défense des libertés individuelles. Il semblerait que ce sujet, préoccupant depuis plusieurs années ait été écarté des esprits pendant la révolution au prétexte qu’il ne fallait pas choquer la population en abordant les sujets tabous. Mais aujourd’hui, ce silence doit être brisé.
Une circulaire inconstitutionnelle et illégale
Tout d’abord, l’application d’une telle circulaire implique la violation de plusieurs droits fondamentaux, normalement garantis par la constitution. En effet, elle s’applique, en pratique, à toutes les tunisiennes qui deviennent de fait, automatiquement présumées musulmanes, au dépend bien sûr de l’article 6 de la constitution qui défend la liberté de croyance et de conscience. Une atteinte est également portée à l’article 46 de la constitution qui rappelle les devoirs de l’Etat vis à vis de la consolidation et la promotion des droits acquis par la femme. D’une certaine manière, l’Etat choisit à sa place.
Au delà de l’atteinte portée aux droits constitutionnels, cette circulaire est aussi illégale, ce qui pourrait d’ailleurs faciliter les efforts en faveur de son retrait.
La partie du Code du Statut Personnel Tunisien portant sur les empêchements du mariage ne fait aucunement mention des questions de religion, or une circulaire est une interprétation de la loi pour en simplifier et clarifier l’application. Elle n’a pas le droit d’ajouter une règle. Elle est donc purement et simplement illégale. La coalition a donc choisi de commencer par cet angle d’attaque pour ses prochaines actions. Une audience sera demandée aux différents ministres concernés: le ministre de la justice, de l’intérieur et le premier ministre.
Historique et Opacité
La circulaire du ministre de la justice du 5 novembre 1973 sur le mariage de la tunisienne musulmane avec un non-musulman est la principale visée par l’action de la coalition, mais elle est en fait multiple. La première publiée à ce sujet date de 1963 et a émané du ministre de l’intérieur. Elle s’appliquait aux agents de l’autorité publique sous la tutelle du ministère, qui détenaient le mandat pour la célébration des mariages. Son but: mettre fin aux mariages mixtes. Pour élargir son champs d’application et en généraliser son recours, chaque autorité concernée a ensuite successivement reproduit cette circulaire, à commencer par le ministère de la justice en 1973, puis par le premier ministère en 1988 et 2005.
Cette liste est pourtant loin d’être exhaustive. L’opacité des services, le nombre important des textes publiés et la réticence des autorités rendent très difficile l’accès et le recensement de données à ce sujet. La coalition envisage donc prochainement un colloque pour rendre compte et clarifier tout le travail lié à ce recensement.
Un Relent de Patriarcat
Sa publication et son application sont en fait le reflet d’une société et non de la loi. Elle touche un problème plus large de la société tunisienne qui est la place encore forte du patriarcat et le rappel constant de la “loi musulmane”, fortement influencée par les doctrines rigoristes des pays du Golfe, et pour beaucoup, éloignée des valeurs fondamentales de l’islam. Aujourd’hui encore, les autorités remettent régulièrement en cause les garanties apportées par la constitution, au regard des dires du président de la république “tous les tunisiens sont musulmans”. Ce décalage avec les réalités et les atteintes portées aux libertés individuelles sont encore un sujet de premier plan en Tunisie et justifie les combats menés par les organisations de la société civile.
Pour rejoindre cette initiative, vous pouvez contacter la FTCR: ftcr.tunisie@gmail.com
et signer cette pétition .
Organismes concernés
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