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Mobilisation de la société civile dans le suivi des relations entre la Tunisie et l’Union Européenne.

15 janvier 2016

Mobilisation de la société civile dans le suivi des relations entre la Tunisie et l’Union Européenne.

Après la révolution, une volonté claire est apparue du côté européen pour répondre à l’une des revendications clés de la société civile tunisienne, à savoir, la participation de cette dernière dans le suivi des affaires publiques, notamment des  relations entre la Tunisie et l’Union Européenne, surtout suite au rôle primordial qu’elle a joué dans le processus de transition démocratique. Cette demande a rencontré une réponse graduelle de la part du Gouvernement Tunisien, réponse qui s’est notamment manifestée à travers les liens tissés dans le cadre du projet de mobilisation de la société civile dans le suivi des relations entre la Tunisie et l’Union Européenne lancé par le Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme(REMDH) en janvier 2014. Le projet consiste en un dialogue tripartite rassemblant le Gouvernement Tunisien, l’Union Européenne et les composantes de la société civile et vise à faire participer activement la société civile dans le dialogue bilatéral.

Le projet est basé sur quatre thématiques principales traitées dans le cadre des relations entre l’Union Européenne et la Tunisie, à savoir :

Les droits des femmes et l’égalité hommes-femmes, la réforme du système judiciaire et la garantie de l’indépendance de la Justice, la mobilité et la défense des droits des migrants et des réfugiés, et le respect des droits économiques et sociaux à travers la mise en place d’un modèle de développement économique et social respectant les droits de l’Homme, réduisant le chômage – surtout dans les rangs de diplômés – , encourageant l’égalité des  chances  entre les personnes et luttant contre les disparités régionales.

Dans ce cadre, Rami Salhi, directeur du bureau Maghreb du REMDH, a déclaré que : « Ce projet vise à faire participer la société civile tunisienne dans le suivi des affaires politiques y compris les relations internationales qui lient la Tunisie à ses partenaires et surtout à l’Union Européenne et ses États membres. »

Il a souligné d’un autre coté que « le premier défi de ce projet consiste à créer une collaboration et une interaction entre la société civile et le Gouvernement, basée sur des propositions précises et réalistes qui prennent en compte l’ensemble des défis qu’affronte la Tunisie, avec la nécessité de respecter parfaitement les droits de l’Homme, les libertés, la souveraineté nationale et le droit des générations futures aux richesses du pays. »

Rami Salhi a ajouté que « ce projet a été initié afin de surmonter les défis relatifs à certains accords signés entre la Tunisie et l’Union Européenne et qui ne répondent pas aux principes fondamentaux des droits de l’Homme, tels que l’accord de partenariat de mobilité dont l’annonce politique a été signée en mars 2014 en l’absence des organisations de la société civile et qui comprend plusieurs violations des droits de l’Homme et surtout des droits des migrants et des réfugiés ». « Il s’agit en outre d’un accord ne garantissant pas la liberté de circulation et qui fait primer la protection de frontières européennes au détriment des intérêts des migrants, ce qui a entraîné plusieurs tragédies et catastrophes humanitaires et engendré des milliers de victimes et de disparus. Sans oublier les grandes difficultés que rencontrent les tunisiens pour l’obtention d’un visa et la sélectivité dont font preuve les États membres », a-t-il précisé.

Il a souligné que « l’accord, malgré ce qu’il a intégré d’éléments et de signaux impliquant une politique de développement visant à réduire le phénomène de disparités entre les régions ainsi que le chômage, demeure insuffisant et déséquilibré », soutenant que « la société civile, si elle est impliquée activement, est en mesure de modifier ces accords et de parvenir ainsi à une vision unifiée et convergente sur de nombreux points, surtout que le pays s’apprête à discuter un grand nombre d’accords importants où la vision de la société civile et ses propositions sont nécessaires, tels que l’accord de libre-échange complet et approfondi (ALECA) dont les négociations démarreront en juin 2015. »

Synthèse des recommandations: « mobilisation de la société civile dans le suivi des relations entre la Tunisie et l’Union européenne »

Synthèse des recommandations des groupes de travail du projet « mobilisation de la société civile dans le suivi des relations entre la Tunisie et l’Union européenne » mis en place par le Réseau Euro-Méditerranéen des Droits de l’Homme (REMDH), en partenariat avec l’Union européenne (UE), en vue de la mission de plaidoyer sur la situation des droits de l’Homme en Tunisie. –  Bruxelles, 22-24 juin 2015

La présente mission de plaidoyer est entreprise dans le cadre de l’aboutissement du projet « mobilisation de la société civile dans le suivi des relations entre la Tunisie et l’Union européenne » (projet Tunisie-UE), mis en place par le Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme en partenariat avec l’Union européenne. Ce document vise à présenter les recommandations et positions exprimées par les organisations de la société civile membres des 4 groupes de travail thématiques tout au long de ces 18 mois (janvier 2014-juin 2015).

Concernant l’implication de la société civile dans le dialogue UE-Société civile, la délégation appelle l’UE à :

  • Mettre en place des mécanismes et des procédures permettant à la société civile d’accéder à l’information pertinente dans des délais lui permettant de réagir à temps ainsi que d’être pleinement associée dans la discussion sur les questions stratégiques relatives à la pérennisation du processus démocratique et au développement inclusif du pays;
  • Mettre en place des mécanismes permettant à la société civile de suivre le financement alloué par l’UE à la Tunisie ainsi que l’usage qui en est réellement fait ;
  • Impliquer la société civile dans la planification et l’évaluation des projets mis en place par l’UE en Tunisie ;
  • Assurer que la révision de la Politique Européenne de Voisinage, actuellement en préparation, prenne réellement en considération les besoins spécifiques du pays et soit fondée sur le respect des droits humains en privilégiant les intérêts communs, y compris en ce qui concerne la dimension sécuritaire.

Concernant la garantie d’une égalité de genre et la lutte contre toutes les formes de discrimination et de violences à l’égard des femmes en Tunisie, la délégation de la société civile appelle l’UE, dans ses relations bilatérales avec la Tunisie, à encourager cette dernière à :

  • Adopter la loi intégrale contre la violence à l’égard des femmes et des filles et effectuer les réformes législatives en conséquence ;
  • Ratifier la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre les violences à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul) ;
  • Lever la réserve sur déclaration générale de la Tunisie relative à la Convention des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) ;
  • Inclure la dimension genre dans l’élaboration des lois, des budgets de l’Etat et des plans de développement ;
  • Ratifier les conventions de l’Organisation internationale du travail, en particulier la Convention 183 et les conventions relatives aux droits économiques et sociaux des femmes pour garantir l’égalité de rémunération et combattre le chômage des femmes ;
  • Garantir la parité horizontale et verticale dans la loi électorale relative aux élections municipales et veiller à une représentativité équitable des hommes et des femmes dans les postes de décision.

Sur la question de la protection des droits des migrants et la politique migratoire européenne, les représentants de la société civile tunisienne appellent l’UE à :

  • Respecter les droits humains des personnes migrantes, réfugiées et demandeuses d’asile dans la politique migratoire de l’UE et dans la coopération avec la Tunisie. En ce qui concerne la coopération avec la Tunisie, encourager l’adoption et la mise en oeuvre de textes législatifs tunisiens en pleine conformité avec les conventions internationales. Plus précisément, encourager la Tunisie à ;

– supprimer les sanctions prévues en cas d’entrée, de séjour ou de sortie non autorisés et abroger la loi du 3 février 2004 ;

– adopter des lois sur les migrations en conformité avec les traités internationaux ratifiés par la Tunisie et lutter contre toutes les formes de discrimination, de racisme et d’exclusion à l’égard des populations migrantes en Tunisie ;

– ratifier les conventions de l’Organisation internationale du travail n°97 et n°143 relatives aux travailleurs migrants et la convention des Nations Unies sur la protection des migrants et des membres de leur famille ;

– mettre en place un système d’asile effectif basé sur le respect des droits humains et l’application du principe de non-refoulement ;

– mettre rapidement en place le conseil supérieur des tunisiens à l’étranger et renforcer la consultation de la société civile sur les questions migratoires et la protection des droits des travailleurs migrants ainsi que sur le partenariat pour la mobilité.

  • Exclure la clause de réadmission de tous les partenariats et accords signés avec la Tunisie ;
  • Assurer, dans le cadre des conventions bilatérales et du Partenariat de Mobilité, une liberté de circulation réelle et effective pour les ressortissants tunisiens en offrant une facilitation d’octroi de visa accessible à toutes et à tous et non pas seulement aux personnes hautement qualifiées ;
  • Lutter contre la traite des migrants en assurant des conditions d’accès à l’emploi digne pour toutes et tous, en ne pénalisant pas les victimes de trafic qui seraient en séjour irrégulier, et en permettant aux victimes de trafic d’obtenir réparation pour la violation de leurs droits (soutien médico-social ; accès effectif à la justice ; condamnation des trafiquants). Travailler au démantèlement des réseaux de recrutement illicites ;
  • Renforcer la coopération entre les acteurs de la société civile en Tunisie pour la défense des droits des personnes migrantes tunisiennes et notamment via la coopération syndicale.

En ce qui concerne les droits économiques et sociaux, les membres de la délégation appellent l’UE à adopter les orientations suivantes :

  • Orienter l’aide de l’UE vers les besoins nationaux et non pas plier les stratégies nationales des pays partenaires en fonction des fonds existants ;
  • Adopter des solutions concrètes, communes avec les Etats membres de l’UE, pour alléger l’endettement actuel de la Tunisie qui pénalise la transition démocratique en cours ;
  • Encourager la Tunisie à assurer la sécurité alimentaire, une meilleure autonomie énergétique et une meilleure gestion de l’eau. Appuyer dans ce sens la coopération technique et scientifique dans le domaine des énergies renouvelables et de l’économie sociale et solidaire ;
  • Eviter les conditionnalités qui entrainent l’adoption de réformes et de politiques d’austérité défavorables aux droits économiques et sociaux des citoyens et citoyennes en Tunisie ;
  • Plus spécifiquement, concernant l’ALECA :

– Envisager l’ALECA dans un cadre de coopération plus équitable (asymétrique en faveur de la Tunisie). En effet, et puisqu’il s’agit d’un accord entre pays ayant des niveaux très différents, l’équité des échanges doit être assurée ;

– Assurer la transparence de l’information dans les négociations de l’ALECA, permettre à la société civile d’accéder à l’information concernant les discussions en cours et mettre en place des échanges tripartites ;

– Ne pas remettre en question la protection de l’Etat tunisien concernant le secteur agricole tant que la Politique agricole commune (PAC) existe ;

– Assortir la liberté de circulation des biens, des services et des capitaux de la libre circulation des personnes.

Pour accompagner un processus de réforme de la Justice respectueux des droits humains et des principes fondamentaux d’un Etat de droit, la délégation appelle l’UE, dans ses relations bilatérales avec la Tunisie, à encourager cette dernière à :

  • Assurer un processus de réforme de la Justice transparent et participatif, reconnaissant la nécessité et l’importance d’impliquer la société civile tunisienne en tant qu’acteur concret dudit processus ;
  • Informer et sensibiliser les citoyennes et citoyens quant à leurs droits, plus précisément :

– En garantissant un accès facile et complet à l’information juridique ;

– En garantissant un accès facile à l’aide juridictionnelle et en particulier pour les groupes les plus vulnérables ;

  • Renforcer la capacité des magistrats et des avocats en matière de déontologie pour assurer leur indépendance, leur impartialité et leur intégrité dans le respect de la Constitution tunisienne et des conventions internationales ratifiées par la Tunisie ;
  • Assurer une justice de proximité en décentralisant la justice administrative et en réformant la carte judiciaire ;
  • Amender la loi sur la justice transitionnelle pour assurer sa conformité avec la nouvelle Constitution et les standards internationaux dans le but d’assurer l’aboutissement du processus et de lutter contre la politisation de ce dernier, notamment :

– revoir le nombre et la répartition des chambres spécialisées au sein des tribunaux de première instance ;

– assurer le respect du droit au double degré de juridiction par la création de chambres spécialisées au sein des Cour d’appel.

  • Assurer à la société civile tunisienne un meilleur accès à l’information et l’impliquer dans le suivi des activités de l’Instance Vérité et Dignité dans le but que la société civile puisse assurer un monitoring citoyen ;
  • Clarifier les textes de loi relatifs aux archives pour assurer un accès et une utilisation encadrés et pertinents, conformément aux nécessités de la justice transitionnelle.

Organismes concernés





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